Cabinet Yann Botrel

L'histoire de la psychiatrie en France

La psychiatrie est issue étymologiquement des mots grecs "psyché", qui signifie "âme ou esprit", et "iatros" qui désigne le médecin ou le docteur. Elle peut être ainsi littéralement définie comme la médecine de l'âme. Le dictionnaire Larousse, quant à lui, la définit comme la "spécialité médicale ayant pour objet l'étude et le traitement des maladies mentales, des troubles psychologiques". Les manifestations des maladies mentales et psychiques dont s’occupe la psychiatrie peuvent être concrètes et palpables. Cependant le mal en soi est abstrait.

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Si la psychiatrie a particulièrement bien évolué ces dernières années, elle était inconsidérée et mal comprise il y a quelques siècles. En France surtout, elle a une histoire exceptionnelle, une expérience unique en raison des impacts de Louis XIV et de Philipe Pinel reconnus comme les pères de la psychiatrie française. L'histoire de la psychiatrie en France met en évidence l'évolution historique des connaissances générales dans le domaine de la guérison mentale et psychique, qu'elles soient médicales ou scientifiques, sociales ou communautaires.

D'où vient la psychiatrie française ? Quels ont été les impacts de Louis XIV et de Philipe Pinel sur la psychiatrie en France ?

 

Louis XIV et Philipe Pinel, les précurseurs de la psychiatrie en France

Le mot psychiatrie n'existait pas à l'origine. Les maux tels que l'hystérie, l’amnésie, la mélancolie, la manie n'étaient pas différenciés les uns des autres. C'est vers l'Antiquité qu'Hippocrate, un savant grec de l'époque, a pu en faire la différenciation. En France, la pensée religieuse du christianisme véhiculait une sorte de dogme selon lequel le malade mental représentait une manifestation du Dieu tout-puissant.

Les malades n'étaient donc pas internés car les peuples pensaient qu'ils finiraient par guérir. En raison de l'augmentation du nombre de personnes souffrant de troubles mentaux, Louis XIV a mis en place en 1656 un système de bâtiments hospitaliers publics pour ces personnes.

Au début, les traitements ne furent pas administrés dans ces hôpitaux qui servaient de prisons afin que les malades ne perturbent pas la vie des citoyens. Nommé médecin en chef de la Salpêtrière, hôpital des malades en 1795, Philippe Pinel constate que les " insensés " comme on les appelait à l'époque sont de différents types. Il y avait ceux qui étaient continuellement malades et ceux qui l'étaient périodiquement.

Avec son collègue Jean-Baptiste Pussin, gardien des "aliénés", ils décident de classer les maladies mentales en plusieurs catégories selon leurs signes cliniques, leur continuité ou leur discontinuité. C'est ainsi que les types de maladies mentales ont commencé à émerger car étant expressément nommés avec leurs indices cliniques caractéristiques.

Cependant, le concept de lésion synonyme de maladie persiste, on ne parle pas encore de maladies ayant des causes psychiques. Jean-Etienne Esquirol remplacera Philippe Pinel en 1820 à la Salpêtrière. Esquirrol était l'élève de Pinel. Il poursuit l'œuvre de son maître en créant une réglementation psychiatrique en 1838. Il s'agit d'un statut médical créé pour fomenter la mise en place d'établissements pour des meilleures conditions de vie et de gestion des "aliénés".

Il met en place un hôpital psychiatrique par département et deux mesures d'internement : le placement obligatoire (PO) et le placement volontaire (PV). L'objectif étant de protéger le patient autant que la société dans laquelle il vit, il peut être hospitalisé de gré, ou peut l'être de force si ses actes peuvent nuire à la société. Ce statut est resté en vigueur jusqu'en 1990.

À partir de ce moment, les violations du statut ont été sévèrement punies. Des méthodes de traitement des "aliénés" sont alors mises en place. Entre les saignées, l'utilisation de purgatifs, de sédatifs ou de balnéothérapie ou encore les méthodes violentes d'électrochocs, ce fut finalement une bouffée d'oxygène pour cette discipline de la médecine. D'un point à l'autre, l'indépendance des hôpitaux au sein des départements a donné lieu à une évolution plus que surprenante. En effet, le personnel médical a commencé à résider à l'intérieur des hôpitaux avec les malades.

 

La création de la Psychanalyse

Jean-Martin Charcot, éminent clinicien et pathologiste, dirigeant de l'École de la Salpêtrière à l'époque, disait que pour certaines paralysies, il n'y a pas de lésion organique sur l'aphasie, le sommeil et l'hystérie. Il inventa donc le concept de lésion dynamique fonctionnelle et fait des démonstrations avec le jeune médecin Sigmund Freud. C'est à l'issue de ses essais que la psychanalyse est née en 1896.

La psychanalyse a favorisé le développement de méthodes fondées sur les notions d'inconscient, de refoulement et de transfert. C'est pourquoi, en 1937, en France, le terme "asile" disparaît de la terminologie officielle et est remplacé par celui d'"hôpital psychiatrique". Le terme "aliéné" restera en vigueur jusqu'en 1958.

Néanmoins, la première moitié du 20e siècle a été riche en transitions et en contrastes. En 1950, après avoir observé en anesthésie l'effet de distanciation psychique provoqué par un dérivé de la phénothiazine, la prométhazine, le chirurgien Henri Laborit demande au chimiste Paul Charpentier au laboratoire Specia Le 11 décembre 1950, la RP4560, ou chlorpromazine, synthétisée. Cette substance est encore appelée "Largactil" pour souligner l'aspect général de son champ d'action.

A l'automne 1951, Henri Laborit présente pour la première fois la chlorpromazine au pharmacologue de l'hôpital psychiatrique Sainte-Anne à Paris. Mais le "Largactil" n'a d'abord que très peu de succès en milieu psychiatrique. Il le fait alors tester à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce.

Le premier patient au monde reçoit une injection de 50 mg de chlorpromazine le 19 janvier 1952 à 10 heures du matin. En mars 1952, le psychiatre Pierre Deniker demande des échantillons au laboratoire Specia et effectue des tests à l'hôpital psychiatrique Sainte-Anne. Il supprime la réfrigération et la sédation qui accompagnaient son administration et quadruple la dose. La nécessité de ce traitement pour les troubles psychologiques aigus et les états mentaux instables était alors avérée. C'était le premier pas vers la psychopharmacologie moderne.

D'autres traitements de la psychose sont nés dans les années 1960. Il s'agit des méthodes d'enveloppement humide, des psychothérapies et des techniques de soins par la parole.

 

La loi du 27 juin 1990 permit une meilleure prise en charge et une bonne réinsertion du patient

Depuis les années 1950, et surtout dans la seconde moitié de ce siècle, la réhabilitation psycho-sociale est très importante car elle constitue une autre phase de guérison par laquelle le patient doit passer. Cependant, deux approches sont apparues le plus souvent dans la prise en charge psychothérapeutique. Il s'agit dans un premier temps de l’approche d'orientation psychanalytique, dont la psychothérapie institutionnelle et systémique. Dans un second temps, il est question de la thérapie cognitive et comportementale.

Les psychanalystes de cette deuxième moitié du vingtième siècle en France ont milité pour une prise en charge plus humaine dans chaque localité où vivent les différents types de patients confrontés au trouble mental. Ils sont soutenus par des institutions médico-sociales et encadrés par un personnel éducatif empathique.

Une politique du secteur psychiatrique a été relancée en France par la circulaire ministérielle de mars 1960. Les grands hôpitaux psychiatriques et le cadre unique ont laissé place à de petites structures maintenant les malades mentaux au sein des cités. Les infirmiers psychiatriques deviennent des soignants et les psychologues sont de plus en plus présents dans les services. Progressivement, les aides-soignants, les aides médico-psychologiques et les agents de service hospitalier sont intégrés aux services ainsi que les personnels paramédicaux.

Dans le même temps, la loi de 1838 cède la place à celle du 27 juin 1990, mettant l'accent sur la prise en charge et le renforcement des droits du patient. Cependant, cette loi conserve les deux modes d'hospitalisation involontaire. Le placement involontaire est remplacé par l'hospitalisation d'office. Le placement volontaire fait place à l'hospitalisation à la demande d'un tiers. Les patients qui ont donné leur consentement sont en hospitalisation libre.

 

La psychiatrie face à la modernité

La psychiatrie, toujours en pleine émergence, doit alors faire face aux nouveaux maux de la société actuelle et donc moderne. Ceci implique une série de réformes comme le plan de santé mentale 2005/2008.

Dans les années 2000, certains événements survenus en France ont plus que jamais relancé le débat sur la prise en charge des malades mentaux. Les cas les plus connus sont ceux de Roman Dupuy à Pau et celui de Canarelli.

Dans le premier cas, il s'agit d'un meurtre commis par un schizophrène sur un étudiant. Quant à l'affaire Canarelli, il fait référence à un psychiatre hospitalier poursuivi pour un meurtre prétendument commis par un de ses patients. En raison de toutes ces accusations, le président de la République française de l'époque, en la personne de Nicolas Sarkozy, a entamé une réforme de la loi sur la psychiatrie le 2 décembre 2008.

Il a notamment présenté un tout nouveau dispositif visant à sécuriser les hôpitaux psychiatriques devant un collège de médecins. Ce plan de sécurisation comprend :

30 millions d’euros débloqués pour "mieux contrôler les entrées et sorties des établissements et prévenir les fugues" ;

La mise en place du "dispositif de géolocalisation" qui, s'il sort du cadre autorisé par le médecin, déclenchera l'alerte ;

Des unités fermées, équipées de portes et de systèmes de vidéosurveillance, seront installées dans chaque établissement qui le nécessite ;

La création de 200 chambres d'isolement pour les "patients susceptibles de subir des violences à l'encontre du personnel".

Bien sûr, de nombreuses voix s'étaient élevées contre ces réformes, si bien que cette affaire a pris une tournure de plus en plus politique en raison des multiples revendications de l'opposition. Cela n’a évidemment pas simplifié la tâche du gouvernement français, qui a dû prendre des mesures drastiques. Par exemple, dans l'affaire Luc Meunier en 2018, Lekhraj Gujadhur, un psychiatre hospitalier, a été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour avoir sous-estimé la nocivité d’un malade mental.

L'histoire de la psychiatrie française a clairement eu un impact sur l'histoire générale de la psychiatrie. Servant de cause à effet et dopés par la modernité, de nombreux courants ont émergé de la psychiatrie ces dernières années. Ces courants sont divers et prouvent la variété de cette discipline médicale. Voici quelques-uns des courants qui ont émané de la psychiatrie générale :

Psychopathologie

Phénoménologie

Structure en psychopathologie

Antipsychiatrie

Psychiatrie biologique

Phrénologie

Psychochirurgie

 

 

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